mercredi 10 mai 2017

Lans-en-Vercors, au chalet l'Oasis



De 1995 à 1998, je suis parti durant quatre étés consécutifs à Lans-en-Vercors pour des périodes de trois semaines. C'était des colonies proposées par le Conseil général du Val-de-Marne. J'avais 8 ans lors de mon premier séjour, et enfant rêveur et solitaire que j'étais j'avais trouvé là un endroit qui me ressemblait. Je crois que c'est durant ces colonies que j'ai découvert la vie.

Le Vercors m'évoque 20 ans plus tard une terre bénie, isolée, heureuse et sauvage. Les souvenirs que j'en garde ont tous lien avec la terre. Cette terre qu'on explore par les grottes, car l'immense vallée du Vercors compte une variété innombrable d'entrées qui vont de la plus petite qu'on ne peut pénétrer qu'à plat ventre jusqu'à l'entrée monumentale qui pourrait abriter une cathédrale et qui conduisent à de véritables villes souterraines. Le Vercors c'est surtout les monts abruptes qui tombent à pic, une roche généreuse et accueillante qui en ont fait une terre d'escalade célèbre. L'horizon était bercé par les deltaplanes qui traçaient leurs chemins dans le ciel. Le chalet était situé dans la vallée, il n'y avait qu'à lever la tête pour en apercevoir. Le Vercors l'été, c'était le vert, le vert des sapins, l'odeur de la sève, des randonnées sauvages où l'on croisait jamais personne, c'était la récolte du miel et l'odeur du gaz étourdissant qu'on donnait aux abeilles pour explorer les ruches.

C'était les années 90, il n'y avait pas de portable, pas internet, pas de réseaux sociaux. C'était les jeux en bois, les douches au parfum du Monoi, les Renault Traffic, les 27 photos de l'appareil jetable. On écrivait même des cartes postales... Je me souviens de veillées où un simple film suffisait à nous émerveiller. Quand j'y repense j'ai l'impression que tout ça appartient à un autre siècle. C'est dans le Vercors que j'ai ressenti pour la première fois le frisson amoureux. Une sensation idyllique qui n'est plus jamais apparu ensuite. Et c'était le coeur battant, apprêtés comme jamais, que nous allions à la Boom pour clore la fin du séjour. Des prénoms me sont restés en mémoire Pierre, Sabri, Frank, Sébastien, Élodie, Vincent, Florent, Benoit, Mélodie, Claire, Anthony et je conserve précieusement les naïves photos que je pris au cours de ces quatre séjours qui me laissent le souvenir d'un paradis vert et sauvage où le temps s'écoule en toute quiétude.

Tout cela me fait penser qu'un enfant a besoin d'un cadre pour grandir. Un cadre qui ne soit ni une clôture urbaine ni un confort petit-bourgeois. C'est aujourd'hui que je comprends la nécessité de la terre au sens écologique et traditionnel du terme. Elle est une valeur éternelle et c'est là que l'esprit se repose et s'émancipe. 




samedi 7 janvier 2017

Et Maurice Mességué soigna Jean Cocteau



Maitre Pasquini avait, un jour, parlé de moi à Jean Cocteau qui avait pris rendez-vous pour venir me consulter dans une semaine. Et rien ne s'était passé comme il avait été prévu.

Je ne sais plus pour quelles raisons je me trouvais en forêt de Fontainebleau. Fatigue? Épuisement nerveux? Besoin de retrouver le contact avec les forces de la nature? Peut-être un peu de tout cela. Toujours est il qu'une longue marche m'avait conduit aux abords de Milly-la-foret. En entrant dans le village, je m'étais arrêté devant le château et j'avais regardé l'eau noire de ses douves où flottaient, entre deux eaux, de longues chevelures d'herbes. Cette maison était celle de Jean Cocteau et je l'ignorais. Ce jour-là, tout était merveilleux, peut-être parce que j'approchais d'un enchanteur. Ma promenade sans but m'a mené à une petite chapelle entourée d'un jardin de simples. Il faisait beau. Mes plantes étaient toutes là et elles étaient heureuses, libres, elles respiraient dans l'air calme. Et les poussières dansaient dans le soleil. Je décidai d'entrer dans la chapelle. Le Bon Dieu qui s'abritait là était le mien.

Et j'ai vu Jean Cocteau. Il portait une veste de daim feuille morte, ses cheveux blancs mousseux dans un rayon de soleil lui faisaient  auréole. Il était en train de peindre, monté sur un échafaudage; il décorait les murs de la petite chapelle. Il me tournait le dos. Sous sa main fleurissait un bouton d'or. La fleur avec laquelle j'allais le soigner naissait comme un oracle au moment ou j'apparaissais. Comment ne pas croire aux choses que nous ne voyons pas quand les présages vous font de pareils signes ? Avec Cocteau tout devenait facile. Il s'est retourné et je lui ai dit:

" Je suis Maurice Mességué.
- Je vous attendais.
- Mais je ne savais pas que j'allais venir."
Il a souri.
" Moi non plus.
- Vous êtes en train de peindre la fleur avec laquelle je vais vous soigner.
- Comment le savez vous?
- Je l'utilise beaucoup et j'ai senti qu'elle allait vous faire du bien."

Avec personne d'autre je n'aurais pu avoir ce dialogue. Cocteau avait le pouvoir de vous accorder à lui. Descendu de son échelle, il me regardait. Sous sa veste il portait un pull de laine jaune bouton d'or.

" Je suis content que votre poésie rejoigne la mienne.
- Oh! Moi je ne suis qu'un pauvre paysan.
- Vous êtes fait d'argile et de sang. Vous pesez le lourd poids de l'homme, comme mon ami Pablo Picasso."





Maurice Mességué, Des hommes et des plantes, 1970.

mercredi 28 décembre 2016

S'éduquer

L'histoire de Lancelot a été mon premier frisson amoureux. J'avais dix ans ou peut-être onze. L'échange du baiser avec la reine Guenièvre fut pour moi comme une vague qui remplissait ma barque intérieure d'une eau pure, limpide et aphrodisiaque. Je ressentais tout l'interdit de cet acte, un acte inouï pour le chevalier vaillant qu'il était et le haut rang de cette femme, reine et mariée au roi Arthur. Mais c'était la confirmation que nul n'échappe à ce sentiment qui était alors naissant chez moi. Pour cela, Lancelot, avec toutes ses faiblesses, demeure à jamais mon héros. Ma version était celle de François Johan éditée chez Casterman et parue en 1996.







Une superbe adaptation de 1970, quasi-théâtrale est disponible, avec une bande son magique signée Georges Delerue.





samedi 10 décembre 2016


" Quand l'imagination excitée se fixe sur une chimère, celle-ci finit par se matérialiser tôt ou tard. "

Alfred Kubin, Le cabinet de curiosités.

lundi 28 novembre 2016

A propos de Paradis artificiels


Dans son numéro du 1er août 1917, le Mercure de France a publié, au cours d'un article signé par M. René Emery, une pièce inédite de Baudelaire qu'il avait fait précéder des lignes ci-dessous :  

" On a recueilli, comme de précieuses reliques, les moindres fragments, vers ou proses, qui n'étaient pas compris dans l'édition dite définitive des oeuvres de Baudelaire éditée en 1868. Dans aucun des ouvrages qui les ont publiés, je n'ai vu figurer les vers suivants sur les Paradis artificiels; ils proviennent d'un prote de l'imprimerie Poulet-Malassis, qui les avait conservés, ainsi que quelques lettres relatives à la composition et à la correction de la seconde édition des Fleurs et des Épaves."



Les Paradis artificiels ! Blondes fumées,
Acres saveurs, rêves divins, vivante mort,
Délicieux oubli des femmes trop aimées
Et des chagrins passés, qui nous minent encor.

Maîtresses de jadis que je croyais parfaite,
Monstres câlins, amour, caprice, cruauté,
Les drogues sont pour nous tout ce que vous nous êtes,
Moins les noirs lendemains de l'Infidélité.

Elles versent la vie enivrante et factice,
Le sommeil excité, le mensonge troublant,
L'âme ivre, anéantie, obéit au caprice
Du rêve qui l'emporte, et lorsque s'éveillant,

Impuissante, elle assiste à la mort d'un beau songe,
Lorsqu'elle nous revient, notre âme croit rêver :
C'est la réalité qui lui semble mensonge,
Vous êtes les débris d'un rêve inachevé.



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http://secretdepoisons.eklablog.com/l-opium-ou-la-fascination-des-poetes-a114859974


dimanche 26 juin 2016

 

Lolita, 

          Plus de joies, plus de rires, les flacons de shampooing parfum fraise et fruits d'amour sont vides. Le lit est défait, et toi tu n'es plus là. J'étais dans le rêve d'une petite fille, de ma petite fille. Celle qui criait de joie en promesse d'une crêpe sucrée, ivre bonheur des cœurs joyeusement purs.

        À jamais dans les jardins que l'on a ratissés poussent les fleurs de ma nostalgie. Tous les mots que tu as lancé, petits oiseaux que j'ai tous retenus, je les cajole et les tiens prisonniers. Je suis ton tendre nourricier, ton tendre ambulancier, ton tendre serviteur, ton tendre Tout qui obéit à tout. Ma petite buveuse de mélancolie, alchimiste de l'insouciance. Notre destin était trop beau. Il offensait les malheureux.

        Lolita, mon rêve éternel, mon pain sucré au sourire à jamais évanoui. Laisse moi boire le sang qui soulagera tous tes malheurs, je suis mort avec toi, je veux mourir avec toi. La mémoire de ton souvenir fait partie de mon combat, de la légion contre ce monde qui ne tolère que la chiasse de la force et de l'argent.

                                                            23 juin 2016

mardi 19 août 2014

Prose voyagée



La nuit. Je ne sais pas s'il est vraiment tôt ou tard. Paris fait peur. Ambient music. Musique rap. Chaque bruit semble coller au morceau. Aéroport. No man's land. Attente. Attente. Attente. Yeux clos. Attendre. Attendre. Faim. La nuit passera au jour. Contrôle. Un porc puant répète "ça c'est interdit". Shampoing. Déo. Poubelle. Je passe. J'attends. Encore. Encore. Le jour ne vient pas. Une sorte de journée à suspense. Tout est froid. Sec. Robotique. Modernité. Mondialisme. Les avions attendent. Ces monstres imposants relient les terres à toute vitesse. Dur à croire. La porte est la D55. Vol EZY3885. Destination Catane. Attente. Attente. Attente. Fatigue. Stress. Attente. Robotique. Modernité. Mondialisme. Partir. Fuir. Vivre. Vivre. Vivre. "Entre ciel et terre". Vie et mort d'une aile à une autre, d'une ville à une autre. Le monde est cerné par ses carcasses de métal. Les cieux raturés des échappées humaines sans cesse renouvelées. Deux heures en l'air et la chaleur. Le bitume fond. Les cars croulent et transpirent. Agrigento. Arrêt à atteindre. Le car parcourt des horizons calcinés. Jaune. Brun. Jaune. Jaune. Jaune. Le soleil se concentre dans ces zones. Tout semble illuminé de feux éteints. La ville est là, brûlante, semblant d'Afrique, le feu est dans l'air, inhalé dans les poumons, c'est les gazs d'échappement. La routine. 

19 août 2014

mardi 29 juillet 2014





« Je gouverne en ton coeur, réceptacle d'infinies douceurs, écrin de caresses ensanglantées. Ta mort prochaine sera ma couronne, mon plus beau diadème! » dit le roi Amour.
« Ne comprends-tu pas que nul n'a survécu sous mon règne? Que les esprits apaisés ne m'observent qu'au plus haut des cieux? »