lundi 31 décembre 2012

Fabrication du 4ème monde par Jon Hassell.


« Quand j'ai commencé à étudier avec Pran Nath, j'ai réalisé que l'art fondamental du raga se trouvait comme il le disait, dans la musique entre les notes. Ceci pour attirer l'attention sur le fait que si vous avez une grille et que chaque ligne sur cette grille est un niveau de tonalité, l'art consiste à tracer avec précision une belle courbe entre un niveau et l'autre. C'est comme la calligraphie. La trompette est un instrument solitaire. Elle est une voix. Lorsque j'ai réalisé que je pouvais avoir une réplique de la trompette qui joue avec moi, c'était alors comme si, au lieu de tracer les courbes au crayon, je pouvais tenir simultanément toute une poignée de crayons pour dessiner ces courbes. En essayant de fabriquer ces courbes dans le raga, il en résulta un son plein de respiration, d'un style proche de la voix.
Dans le fond, cela revient à jouer de l'embouchure, pas de la trompette. Je souffle dedans comme dans une conque - c'est le coté le plus primitif, le plus fondamental de ce que je fais. Mis à part la voix, c'est le seul instrument qui fonctionne de cette façon. Le son est étrange au départ, et donc quand j'ajoute le fard électronique, la fausse conclusion c'est que tout est fait avec des miroirs et non pas de la chair ». 


(Citation de Hassell dans Ocean of Sound)

dimanche 30 décembre 2012

R. Murray Schaffer



En sa qualité de « père de l'écologie acoustique », ainsi qu'il se définit lui-même, Schafer se penche sur les effets préjudiciables des sons technologiques sur les humains, surtout sur ceux qui vivent dans les « égouts sonores » que sont les milieux urbains. 

Ses opuscules intitulés The Book of Noise et The Music of the Environment sont des plaidoyers rationnels, mais en même temps passionnés, réclamant d'une part une législation contre le bruit et, d'autre part, une amélioration de l'environnement sonore dans les villes par l'élimination ou la réduction des sons potentiellement destructifs. Des divers écrits de Schafer qui résultent de son travail auprès du World Soundscape Project, le plus important est The Tuning of the World (1977; trad. Le Paysage sonore), dans lequel il résume ses recherches, sa philosophie et ses théories sur l'environnement sonore. Ce concept d'environnement sonore, au centre de la pensée globale de Schafer, influence également son œuvre comme compositeur.


mercredi 19 décembre 2012

Ambient music: Théorie et pratique selon Brian Eno (1)


« Je rêve les instruments obéissants à la pensée, et qui, avec l'apport d'une floraison de timbres insoupçonnés, se prêtent aux combinaisons qu'il me plaira de leur imposer et se plient à l'exigence de mon rythme intérieur.» 
Edgar Varèse, 1916.



En 1978, j'ai sorti le premier disque à se désigner du nom d'ambient music, nom que j'ai inventé pour décrire un style musical alors en voie d'émergence.  
Cela s'est passé ainsi : au début des années 70, de plus en plus de gens commençaient à écouter de la musique autrement. Disques et radios existaient depuis suffisamment longtemps pour que le charme de la nouveauté se soit un peu épuisé, et tous étaient désireux de faire des choix, très spécifiques et très raffinés, relativement à ce qu'ils passaient chez eux ou dans les lieux de travail, au genre d'ambiance sonore dont ils s'entouraient. Ce faisant, ils tournaient le dos au principe qui dominait encore l'industrie du disque à cette époque - les gens ont une durée attentive très brève, veulent beaucoup d'action et de nouveauté, des structures fortes, des rythmes clairs et, par dessus tout, des voix. Or je remarquais que, bien au contraire, mes amis et moi faisions et échangions des cassettes d'une musique choisie pour son immobilité, son homogénéité, son manque de surprise et, par-dessus tout, de variété. Nous voulions en faire  usage autrement - comme un élément dans l'ambiance de nos vies -, qu'elle soit continue, et constitue un environnement.
A la même époque, d'autres signes apparaissaient à l'horizon. En raison de l'évolution des techniques d'enregistrement, une foule de possibilités de composition tout à fait neuves apparurent. La plupart étaient liées à deux domaines nouveaux, étroitement apparentés: le développement de la texture sonore elle-même comme centre du travail de composition, et la capacité de créer électroniquement des espaces acoustiques virtuels (n'existant pas dans la nature).

Quand on entre dans un studio d'enregistrement, on voit d'abord des milliers de boutons et de contrôles. Presque tous correspondent à des manières différentes d'accomplir le même travail: ils vous permettent de faire des choses aux sons, de les rendre plus gras, plus minces, plus brillants, plus bruts, plus durs, plus lisses, plus percutants, plus liquides, bref un bon millier de choses différentes. Un compositeur qui enregistre pourrait donc consacrer une bonne part de son énergie à inventer des sons, ou des combinaisons de sons, nouveaux. Bien entendu, cela était déjà bien connu dès le milieu des années 60 : le psychédélique permit l'expansion de la conscience, mais aussi des techniques d'enregistrement. Pourtant on partait toujours du principe que jouer avec le son lui-même était une "simple" tâche technique - dont ingénieurs et et producteurs se chargeaient -, par opposition au travail véritablement créateur : écrire des chansons, jouer. 
J'ai voulu suggérer, avec l'ambient music, que cette activité était bel et bien l'une des caractéristiques qui distinguaient une musique nouvelle, et qu'en fait elle pouvait devenir le centre d’intérêt du travail de composition. Les studios offraient également aux compositeurs des espaces virtuels. Traditionnellement, on plaçait un micro devant un instrument placé dans un espace qui sonnait bien, et on enregistrait le résultat. On entendait donc l'instrument et sa réverbération dans cet espace. Dès les années 40, les gens se montrèrent plus ambitieux : ils commençaient à inventer des technologies pouvant enrichir cet espace naturel ; chambre d'échos, décalage de bandes, etc. 
 

Un tel travail fut, en grande partie, le fait de la radio - afin de pouvoir "situer" les personnages dans les feuilletons -, mais la musique de variétés fut la première à aborder le sujet. Elvis, Buddy, Eddy, tous les autres, chantaient avec, dans la voix, des échos bizarres - tout à fait différentes de ce qu'on n'avait jamais pu entendre dans la nature. Phil Spector et Joe Meek inventèrent leur propre "son" - en recourant à des mélanges d'overdubs, de chambres d'échos improvisées, d'espaces à forte résonance (escaliers, cages d'ascenseur), de bandes à vitesse de défilement variable et ainsi de suite. Tout ceci bien avant les synthétiseurs et le dub reggae... 
Au début des années 70, quand j'ai commencé à faire des disques, il était clair que c'était là qu'allaient se passer beaucoup de choses. Je m'y intéressais parce que cela revenait à rapprocher l'acte musical de l'acte pictural (sujet sur lequel je pensais connaitre certaines choses). De nouveaux appareils permettant de modeler le son, de créer des espaces, apparaissaient chaque semaine sur le marché (ils continuent, d'ailleurs), les synthétiseurs faisaient des débuts encore maladroits, mais cruciaux et, tous les soirs, les gens comme moi bricolaient avec tout cela, étonnés que tant de choses soient désormais possibles, immergés dans les nouveaux mondes sonores que nous pouvions créer. 
Et l'immersion en était vraiment la raison d'être : nous faisions de la musique dans laquelle on pouvait nager, flotter, se perdre.



lundi 17 décembre 2012

Immersion. Silence. Quiétude. Éternité.


« Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et si éternellement agréable? Parce que la mer offre à la fois l’idée de l’immensité et du mouvement. Six ou sept lieues représentent pour l’homme le rayon de l’infini. Voilà un infini diminutif. Qu’importe s’il suffit à suggérer l’idée de l’infini total ? Douze ou quatorze lieues (sur le diamètre), douze ou quatorze de liquide en mouvement suffisent pour donner la plus haute idée de beauté qui soit offerte à l’homme sur son habitacle transitoire. » 
Charles Baudelaire, Mon coeur mis à nu.


dimanche 16 décembre 2012

Ocean of sound (1)

« Quand on n'a pas les moyens de se payer des voyages, il faut suppléer par l'imagination. »   
Claude Debussy, 1903.
Voici le récit d'un homme qui depuis son enfance n'a qu'une seule obsession: le son. Le livre de David Toop est écrit à la manière d'un journal intime très travaillé où pensées, souvenirs et expériences se succèdent autour de ce même thème central. Cela passe par, outre la musique; la littérature, les arts primitifs et contemporains, la technologie, les mythes anciens et d'autres thèmes improbables. 

David Toop prend comme figure centrale la pensée de Claude Debussy et le fin de siècle décadent français en passant par le personnage de Des Esseintes de Huysmans, les idées farfelues d'Erik Satie et les expositions universelles parisiennes. Ce sont pour lui les prémices d'un monde qui annonçaient ce qu'on appellera plus tard l'Ambient Music ou un certain art de voyager sur place via différents médiums. 
 C'est à un véritable voyage que s'apparente la lecture de ce livre. Il synthétise de manière involontaire l'épopée du son à travers l'histoire qui va des œuvres peintes dans des cavernes résonantes à la découverte du chant des baleines dans ses espaces abyssaux. Il évoque surtout beaucoup de tranches de vie essentielles des grands artistes du XXème siècle qui nourrissent de vraies réflexions sur la musique. Ici les catégories explosent, Toop réunit dans sa vision des artistes aussi variés tel Miles Davis, Harold Budd, Brian Eno, Sun Ra, John Cage, Jon Hassell, Edgar Varèse, les grands acteurs de la house ou du rap et mille autres créateurs. 
 L'idée principale de cet écrit est de révéler les "mondes" qu'évoquent et révèlent beaucoup de ces musiques et souligner leur caractère extatique même si elles évoluèrent à partir d'un monde pourtant profondément rationaliste et désacralisé. 

Le ton est sérieux, poétisé parfois et sans parti pris, ce qui rend la lecture très plaisante. La beauté de ce livre vient de sa forme plutôt inédite. A mi-chemin entre le livre d'art, d'histoire et le récit de voyage. Profondément introspectif.

 

Minimalisme ou ambient, Alva Noto nous baigne au cœur de médiums qui évoquent la modernité. Ce morceau est issu de Xerrox 2 qui est une suite à l'album Xerrox.
Alva Noto utilise pour cet album des textures acoustiques mélangées à son univers minimaliste électronique. Des horizons nouveaux pour le compositeur allemand car Xerrox était déjà une rupture dans l'univers de l'artiste. Si la musique représente un corps vivant, Alva Noto avait pour habitude de représenter seulement le squelette et ses muscles. Il s'est attaché dans ces deux albums, surtout le second, à y ajouter un peu de vie et de matières organiques.

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mardi 11 décembre 2012

mercredi 5 décembre 2012


Imaginary Landscapes. 1989. 
Un documentaire rare sur Eno et ses théories sur l'ambient et plus largement sa pensée. A voir et à revoir.










La même année, un festival à Lanzarote invitait toute la crème ambient de l'époque.
Au programme: Harold Budd, Roger Eno, Laraaji, Mickael Brook, Hans-Joaquim Roedelius et Jameos Del Agua.